mardi 20 février 2024

Ukraine - La paix, but central de notre action

(English translation below)

Il y a deux ans exactement, la Russie lançait son agression contre l'Ukraine. Elle était ainsi, au début de ce 21e siècle, après les États-Unis en Irak en 2003, la deuxième grande puissance du Conseil de sécurité à violer ouvertement le droit international et la Charte des Nations unies (comme elle l'avait déjà fait en 2014 en occupant la Crimée).
Très vite,comme je l'ai écrit, il y a un an, deux scénarios se sont affrontés, si on écarte d’entrée celui qui aurait consisté à accepter sans protester le fait accompli de l’agression russe contre un pays indépendant, membre des Nations unies,
Le premier scénario, celui de rechercher une sortie de crise politique au conflit, a été quasiment étouffé dans l’œuf sous l'accusation de faire le jeu de Poutine. Les expressions ou initiatives pour la paix du Pape François, du premier ministre israélien, de la Turquie, de la Chine, de l'Inde, de l'Arabie saoudite, ont été rejetées sans discussion. Un "main stream", une pensée dominante, s'est installée dans les médias européens, reprenant presque tous les vieux poncifs de la propagande de guerre, décrits par l'universitaire Anna Morelli dans son ouvrage " Principes élémentaires de propagande de guerre".
C’est un second scénario, qui a été choisi très rapidement, par les pays européens et les États-Unis, qui ont formé un nouveau "bloc occidental". Il a été décidé, même si cela n’est pas assumé officiellement, de répondre "à la guerre par la guerre", en multipliant les sanctions économiques et politiques contre la Russie et en accordant une aide militaire de plus en plus importante au gouvernement ukrainien, tant sous forme de crédits que de fournitures d'armes.
Au bout de deux ans, il faut constater que cette option militaire, soutenue et choisie par les occidentaux, est en échec : chaque jour voit de nouvelles victimes militaires ou civiles, de nouvelles destructions. Des sources américaines estiment à environ 300 000 le nombre de militaires, tués, dont deux-tiers côté russe. Le HCR estime à plus de 10 000 le nombre de civils ukrainiens tués. Avec cynisme, l’armée russe s'est adaptée à ces combats stagnants et détruit méthodiquement des installations tant militaires que civiles, en commettant, de ce fait, de plus en plus de crimes de guerre. C'est la logique implacable de toutes les guerres : nous l'avons constaté en Irak, en Syrie, etc..
Cette option militaire du bloc occidental s'effectue de plus en plus en contradiction avec le droit international.
En effet, les grandes puissances du Conseil de sécurité des Nations unies, n'ont pas fait le maximum pour aboutir à l'arrêt des combats et à une solution diplomatique négociée, comme les y oblige l'article 1 de la Charte des Nations unies :
"Maintenir la paix et la sécurité internationale et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix".
C'est là que réside le coeur du droit international, le but central de la création des Nations unies. Il existe bien sûr un droit pour une nation agressée de se défendre, mais ce droit n'est que temporaire en attendant la mise en oeuvre de mesures pour "réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends".
Ce droit n'est d'ailleurs énoncé que dans l'article 51, à la fin du Chapitre VII (articles 39 à 51) et il dit précisément :
"Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales".
En ne menant aucun effort diplomatique sérieux pour ouvrir la voie à un processus de paix, les puissances occidentales ont conforté la Russie dans sa posture scandaleuse de pays qui se défend contre "les méchants occidentaux" et ont instrumentalisé le conflit et enclenché une surenchère de surarmement, pour gagner des avantages militaires et stratégiques, dans le cadre d'un futur affrontement qu'elles ne cherchent même plus à cacher, demain, contre la Chine. 

Tous ces choix politiques ont été faits, soyons clairs, sur le dos du peuple ukrainien que chaque jour de guerre supplémentaire enfonce dans ses souffrances, même si de nombreux experts militaires disent froidement que le conflit peut durer longtemps, voire de "très nombreuses années" (déclaration du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stotenberg, 15 février 2023).
On assiste à une situation où la prolongation de la guerre fait le bonheur des lobbies d'armement tant russes et bien sûr iranien, nord-coréen, chinois que états-uniens, français, britanniques ou allemands.
Les déclarations alarmistes de dirigeants de pays européens ou de l'OTAN se multiplient sur la guerre probable en Europe et visent à créer une atmosphère alarmiste, justifiant une relance du surarmement.
Depuis maintenant des semaines, le ministre de la Défense allemand, Boris Pistorius [SPD], martèle sur toutes les ondes que l’Allemagne doit se préparer à une éventuelle guerre en Europe, estimant possible une confrontation avec la Russie d’ici cinq ans.
"Une défense forte nécessite une base industrielle solide. Celle-ci verra le jour si nous, Européens, regroupons nos commandes, si nous mettons en commun nos moyens et donnons ainsi à l'industrie des perspectives pour les 10, 20 ou 30 prochaines années", a souligné le chancelier Olaf Scholz, le 12 février dernier, en visitant l'usine d'obus Rheinmetall.
La présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen a estimé samedi 17 février qu'un nouveau poste de commissaire européen à la Défense devrait être créé au sein de la prochaine Commission européenne.
Ce choix de l'escalade militaire se manifeste en France par la décision du Président Macron d'accorder trois milliards d'euros de crédits militaires supplémentaires à l'Ukraine ce week-end et par, le lendemain, l'annonce du ministre Lemaire de couper un milliard d'euros dans le Fonds d'aide au développement pour les pays pauvres !
En définitive, si on rapproche ces deux constations : la première que la guerre va durer plusieurs années sans avantages décisifs pour une partie, la seconde qu’il y aura une intensification des dépenses d’armement et des fournitures d’armes ; la conclusion semble évidente. L’option militaire, malgré les beaux discours dans les forums inter-ministériels ou les couloirs de l'OTAN ne vise donc pas à abréger les souffrances de la population ou à raccourcir la durée de la guerre.
Il est nécessaire plus que jamais de sortir de cette impasse mortifère : agir pour la paix et l’arrêt des combats est une exigence éthique et morale, c'est la mise en oeuvre prioritaire du droit international et de l'article 1 de la Charte des nations unies qui s'impose à tous : "réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends".
Ceux qui déclarent que tout cessez-le-feu serait « déposer les armes », « entériner l’occupation » du territoire ukrainien, soient font fi des souffrances quotidiennes de la population lorsqu’il s’agit de “conseilleurs” extérieurs au pays, soient s’enferment dans une position nihiliste sans issue.
Une situation diplomatique n’est jamais figée définitivement, son évolution dépend des volontés politiques mises en œuvre. Travailler à des formules de cessez-le-feu global ou partiel ou temporaire n’est pas remettre en cause la souveraineté de l’Ukraine.
Cette exigence doit se tourner en priorité aujourd'hui vers le Président Macron et les dirigeants occidentaux pour qu'ils agissent conformément au droit international, pour mettre la pression diplomatique sur la Russie.
La mobilisation de l'opinion publique en France n'est pas à la hauteur des exigences. On constate même à la lecture de certaines déclarations, syndicales notamment, qu'on s'appuie sur la position d’« union sacrée » d’une partie des forces syndicales et militantes ukrainiennes pour appeler au soutien de cette résistance populaire (allant pour certains jusqu'à pour certains le soutien à la poursuite des fournitures d'armement), en ne rappelant pas l'urgence de l'ouverture d'un processus diplomatique pour la paix ou en y mettant des conditions préalables.  C’est une impasse politique qui nous ramènerait aux heures sombres de "l'union sacrée" de 1914.
Agir pour faire aboutir l'arrêt des combats en Ukraine et le démarrage d'une processus de paix doit être notre priorité, en ayant à l'esprit lés paroles d'Antonio Gutteres, Secrétaire général des nations unies, cette semaine, à la Conférence de Munich sur la sécurité : « Nous avons désespérément besoin d’une paix juste et durable pour l’Ukraine, pour la Russie et pour le monde. Une paix conforme à la Charte des Nations Unies et au droit international, qui établit l'obligation de respecter l'intégrité territoriale des États souverains".

Daniel Durand

Président de l'IDRP
20 février 2020

**************************************************

Ukraine - Peace, the central goal of our action

Exactly two years ago, Russia launched its aggression against Ukraine. It was thus, at the beginning of this 21st century, after the United States in Iraq in 2003, the second great power on the Security Council to openly violate international law and the Charter of the United Nations (as it had already done in 2014 by occupying Crimea).
Very quickly, as I wrote, a year ago, two scenarios clashed, if we exclude from the outset the one which would have consisted of accepting without protesting the fait accompli of Russian aggression against an independent country, a member of the United Nations,
The first scenario, that of seeking a way out of the political crisis in the conflict, was almost nipped in the bud under the accusation of playing into Putin's hands. Expressions or initiatives for peace from Pope Francis, the Israeli Prime Minister, Turkey, China, India, Saudi Arabia, have been rejected without discussion. A " main stream ", a dominant thought, has taken hold in the European media, repeating almost all the old clichés of war propaganda, described by the academic Anna Morelli in her work " Elementary principles of war propaganda ".
This is a second scenario, which was chosen very quickly, by European countries and the United States, who formed a new “ Western bloc ”. It was decided, even if this is not officially accepted, to respond " to war with war ", by increasing economic and political sanctions against Russia and by granting increasingly significant military aid to the Ukrainian government. , both in the form of credits and arms supplies.
After two years, it must be noted that this military option, supported and chosen by the West, is in failure : every day sees new military or civilian victims, new destruction. American sources estimate the number of soldiers killed at around 300,000, two-thirds of them on the Russian side. UNHCR estimates the number of Ukrainian civilians killed at more than 10,000. The Russian army cynically adapted to this stagnant fighting and methodically destroyed both military and civilian installations, thereby committing more and more war crimes. This is the implacable logic of all wars: we have seen it in Iraq, in Syria, etc.
This military option of the Western bloc is carried out more and more in contradiction with international law.
Indeed, the great powers of the United Nations Security Council have not done their utmost to achieve an end to the fighting and a negotiated diplomatic solution, as required by Article 1 of the United Nations Charter. :
" To maintain international peace and security and to this end: take effective collective measures with a view to preventing and removing threats to peace, and to achieve, by peaceful means, in accordance with the principles of justice and law international, the adjustment or settlement of disputes or situations, of an international character, likely to lead to a breach of the peace ".
This is where the heart of international law lies, the central purpose of the creation of the United Nations. There is of course a right for an attacked nation to defend itself, but this right is only temporary pending the implementation of measures to "achieve, by peaceful means, in accordance with the principles of justice and international law, adjustment or settlement of disputes ".
This right is only stated in article 51, at the end of Chapter VII (articles 39 to 51) and it specifically states:
" No provision of this Charter infringes the natural right of self-defense, individual or collective, in the event that a Member of the United Nations is the object of armed aggression, until the Security Council has taken the necessary measures to maintain international peace and security .
By not leading any serious diplomatic effort to open the way to a peace process , the Western powers have reinforced Russia in its scandalous posture as a country defending itself against " the evil Westerners " and have exploited the conflict and triggered an escalation of over-armament. , to gain military and strategic advantages, as part of a future confrontation that they no longer even seek to hide, tomorrow, against China. 

All these political choices were made, let's be clear, on the backs of the Ukrainian people who are further suffering with each additional day of war, even if many military experts say coldly that the conflict could last a long time, even " many years. " (statement by NATO Secretary General Jens Stotenberg, February 15, 2023).
We are witnessing a situation where the prolongation of the war is to the delight of arms lobbies, both Russian and of course Iranian, North Korean, Chinese, as well as American, French, British and German.
Alarmist statements from leaders of European countries or NATO are increasing on the probable war in Europe and aim to create an alarmist atmosphere, justifying a relaunch of over-armament.
For weeks now, German Defense Minister Boris Pistorius [SPD] has been insisting on all the airwaves that Germany must prepare for a possible war in Europe , considering a confrontation with Russia possible within five years.
A strong defense requires a solid industrial base. This will come into being if we, Europeans, group our orders, if we pool our resources and thus give the industry prospects for the next 10, 20 or 30 years ", underlined Chancellor Olaf Scholz on February 12, while visiting the Rheinmetall shell factory.
The President of the European executive, Ursula von der Leyen, estimated on Saturday February 17 that a new position of European Defense Commissioner should be created within the next European Commission.
This choice of military escalation is manifested in France by President Macron's decision to grant three billion euros in additional military credits to Ukraine this weekend and by, the next day, Minister Lemaire's announcement of cut a billion euros from the Development Aid Fund for poor countries!
Ultimately, if we bring together these two observations: the first that the war will last several years without decisive advantages for one side, the second that there will be an intensification of arms expenditure and arms supplies; the conclusion seems obvious. The military option, despite the fine speeches in inter-ministerial forums or the corridors of NATO, therefore does not aim to reduce the suffering of the population or to shorten the duration of the war.
It is necessary more than ever to end this deadly impasse: acting for peace and an end to the fighting is an ethical and moral requirement, it is the priority implementation of international law and Article 1 of the Charter of the United Nations which is binding on all: "to achieve, by peaceful means, in accordance with the principles of justice and international law, the adjustment or settlement of disputes ".
Those who declare that any ceasefire would be “ laying down their arms ”, “ endorsing the occupation ” of Ukrainian territory, are ignoring the daily suffering of the population when it comes to “ advisors ” from outside the country, or lock themselves into a nihilistic position with no way out.
A diplomatic situation is never definitively fixed ; its evolution depends on the political will implemented. Working on formulas for a global or partial or temporary ceasefire does not call into question Ukraine's sovereignty.
This requirement must be focused primarily ontoday towards President Macron and Western leaders to act in accordance with international law, to put diplomatic pressure on Russia.
The mobilization of public opinion in France does not meet the requirements . We even see when reading certain declarations, particularly from the unions, that we rely on the position of " sacred union " of part of the Ukrainian trade union and activist forces to call for support for this popular resistance (going for some even support for the continuation of arms supplies), by not recalling the urgency of the opening of a diplomatic process for peace or by putting preconditions for it. It is a political impasse that would take us back to the dark hours of the "sacred union " of 1914.
Acting to bring about an end to the fighting in Ukraine and the start of a peace process must be our priority, having to spirit of the words of Antonio Gutteres, Secretary-General of the United Nations, this week at the Munich Security Conference: " We desperately need a just and lasting peace for Ukraine, for Russia and for the world. A peace consistent with the Charter of the United Nations and international law, which establishes the obligation to respect the territorial integrity of sovereign States ."

Daniel Durand

President of the IDRP
February 20, 2020

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire