Comme le relève le Comité international de la Croix-Rouge sur son site, les progrès technologiques ont donné naissance à de nouveaux moyens et méthodes de guerre, tels que les cyberattaques, les robots et les drones armés, ce qui pose des défis humanitaires, juridiques, politiques et militaires inédits.
Quelle conséquence sur la paix d'une région ou du monde après la mise au point d'une nouvelle arme, quelle stratégie de contrôle, voire d'interdiction et de désarmement, quelle conformité au droit international humanitaire ?
On peut considérer plusieurs types d'armes.
Les drones armés : ils permettent aux combattants d'être physiquement absents du « champ de bataille ». Ces systèmes d'armes, bien que situés à des distances souvent très importantes de la cible, restent sous le contrôle des opérateurs humains qui sélectionnent les cibles et activent, dirigent et déclenchent les munitions se trouvant à bord du drone. L’usage de drones dans les conflits soulève des problèmes politiques, juridiques, éthiques et de sécurité internationale. Ces armes télécommandées favorisent l'emploi extraterritorial de la force. Dans une résolution du 27 février 2014 (2014/2567(RSP)), le Parlement européen a estimé que "les frappes de drones, alors qu'aucune guerre n'a été déclarée, menées par un État sur le territoire d'un autre État sans le consentement de ce dernier ou du Conseil de sécurité des Nations unies, constituent une violation du droit international ainsi que de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de cet État".
Il faut obtenir que tous les États utilisateurs de drones se conforment au droit international humanitaire, aux droits de l’homme et à l’interdiction de l’usage de la force, imposée par la Charte des Nations unies. N'oublions pas que des États dictatoriaux et des groupes armés non étatiques risquent d'utiliser un jour des drones armés en s'appuyant, pour se justifier, sur les pratiques des États utilisateurs actuels.
Pax Christi a demandé un moratoire sur leur usage en dehors des conflits réguliers jusqu’à l’établissement d’un cadre clair. Il semble urgent que la question des drones armés soit intégrée dans les enceintes traitant du désarmement au sein des Nations unies pour progresser sur les voies du contrôle, de la limitation d'usage voire de l'interdiction de ces nouvelles armes.
Contrairement aux drones armés, les systèmes d’armes létaux autonomes (SALA), communément appelés « robots tueurs », sont conçus pour fonctionner avec peu ou pas de contrôle humain. Ils suscitent de nombreuses interrogations et inquiétudes sur les plans juridiques, éthiques et sociétal sur lesquelles l’ONU travaille actuellement.
Pour être conformes au droit international humanitaire, elles devraient être capables de faire la distinction entre civils et combattants. Peut-on accepter en conscience que les machines puissent avoir un pouvoir de vie et de mort sur le champ de bataille ? Qui serait responsable dans le cas où l'utilisation d'une arme autonome entraînerait un crime de guerre : le programmeur, le fabricant ou bien le chef militaire qui déploie l'arme ?
L’emploi de « robots tueurs » modifie le rapport des autorités politiques au recours à la force. «Envoyer des robots plutôt que des personnes sur la ligne de feu […] reviendrait à faciliter la décision d’entrer en guerre, générant ainsi davantage de conflits» s’inquiète un membre de la coalition « Stop killer robots ». 53 ONG venant de 25 pays se sont en effet rassemblées depuis avril 2013 au sein d’une coalition intitulée « Campaign to stop killer robots »
Une réunion a eu lieu à Genève en mai 2014 dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC). M. Jean-Hugues SIMON-MICHEL, Représentant Permanent de la France auprès de la Conférence du désarmement, a été chargé de préparer un rapport de l'état des discussions.
Selon les sources, entre 4 et 8 pays développeraient actuellement des SALA ou auraient déjà déployé des systèmes aux degrés d’autonomie divers (Allemagne, Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, Inde, Israël, Royaume-Uni, Russie).
En 2013, un Rapporteur spécial des Nations unies sur cette question avait suggéré la mise en place de moratoires nationaux sur le test, la production, l’assemblage, le transfert, l’acquisition, le déploiement et l’utilisation de SALA. Une interdiction totale sera sans doute difficile à obtenir, compte-tenu de la complexité de la question, mais, selon certains responsables militaires invités à s’exprimer à Genève, ces armes pourraient être encadrées par des mécanismes de contrôle des armements.
Autres technologies : de nouvelles armes en développement soulèvent les mêmes questions de rapport à la paix et à la sécurité, au droit international.
Les bombes électromagnétiques appartiennent à la catégorie des armes dites à énergie directe qui viseraient à atteindre les câbles, les réseaux, les serveurs, les circuits de communications électroniques, les processeurs, les commutateurs, les ordinateurs. Elles provoqueraient l’interruption momentanée ou définitive des communications, des échanges de données, des systèmes de commande, des appareils de détection, de mesure et de contrôle. Leur emploi viserait, dans le cadre d’une offensive aérienne ou terrestre, à isoler l’ennemi, à le placer dans l’incapacité de contrôler ses moyens et ses forces ou de s’informer de l’état de la bataille en cours.
Les menaces de cyber-guerre, en d’autres termes, des moyens et méthodes de guerre qui reposent sur la technologie de l'information, sont plus médiatisées. L'interconnectivité des réseaux informatiques militaires et civils peut engendrer bon nombre de défis importants : par exemple, la difficulté pour la partie qui lance une cyberattaque de faire la distinction entre objectifs militaires et biens de caractère civil ou d'évaluer les effets indirects sur les réseaux civils. Le fait qu’un nombre croissant de pays développe des capacités de cyberguerre, défensives ou offensives, ne fait que renforcer l'urgence de développer des réflexions approfondies pour faire face à ces nouveaux défis de militarisation.
Il y a encore de grandes divergences au plan international sur l'approche à adopter concernant la cyberguerre. Faut-il comme le recommande un document de l'OTAN, adopté en 2013, considérer que la cyberguerre est un élément à incorporer comme une nouvelle donnée dans les conflits et donc à la soumettre aux réglementations existantes du droit de la guerre. Une attaque serait assimilée à un « usage de la force » ou à une « attaque armée », ce qui donne à l'État victime le droit à l'auto-défense, y compris en utilisant des armes conventionnelles.
Faut-il au contraire, comme le défendent les experts russes, refuser ce qui serait la légitimation du concept de cyberguerre et empêcher la militarisation de l'espace cybernétique ? Le débat reste ouvert et se limite donc pour l'instant aux mesures et réflexions pour la sécurisation des réseaux internationaux.
En conclusion provisoire de ce dossier rapide, je voudrais faire remarquer combien est complexe la problème du désarmement international. L'interdiction et l'élimination des armes de destruction massive, et en urgence, des armes nucléaires, est une priorité : il en va de la paix mondiale et de la survie de la planète. Pour autant, le contrôle, voire l'interdiction de certaines armes classiques est également importante car elle impacte la vie quotidienne et l'existence même de millions d'hommes, de femmes, d'enfants. La nécessité, les préoccupations, souvent égoïstes, des États devant les conséquences dramatiques de certains conflits locaux, les pressions des ONGs qui se sont multipliées, ont permis le développement de dizaines de négociations de désarmement qui obtiennent des résultats souvent considérables.
Ce mouvement international a conduit (pour ne pas dire "obligé") les États à s'interroger de manière plus globale sur "la violence armée" et à discuter dans les enceintes internationales des manières de la limiter.
En juin 2006, une réunion internationale organisée par la Suisse et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a abouti à la signature de la "Déclaration de Genève sur la violence armée et le développement", qui reconnaît que la violence armée est à la fois une cause et une conséquence du sous-développement et constitue un obstacle majeur à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement. Depuis 2006, 108 États – dont la France – ont signé la Déclaration de Genève et se sont engagés à prendre des mesures tangibles pour réduire les effets et les causes de la violence armée pour 2015, en accord avec les objectifs du millénaire pour le développement.
Dans cet objectif, l'entrée en vigueur le 24 décembre prochain du Traité sur le commerce des armes, va constituer une étape de première importance.
La démilitarisation des relations internationales est donc un processus à la fois complexe mais très concret. Nous sommes loin d'une simple démarche "généreuse", (mais sous-entendue irréaliste) comme l'a qualifiée avec condescendance le ministre de la Défense français à propos de l'élimination des armes nucléaires (voir http://culturedepaix.blogspot.fr/2014/11/lagenda-de-la-quinzaine-17-30112014.html).
La démilitarisation des relations internationales, c'est-à-dire la multiplication et le renforcement des traités et accords de désarmement, le renforcement du droit international, est bien un axe majeur de toute politique étrangère progressiste, tout comme le renforcement du multilatéralisme et de la place centrale des Nations unies dans la "gouvernance" de notre planète commune.
Ce blog est dédié aux problématiques de la paix et du désarmement, des institutions internationales (ONU, OTAN), à la promotion d'une culture de la paix. Textes sous license Creative Commons by-nc-sa
lundi 24 novembre 2014
Quel bilan d'étape du désarmement mondial (fin) ? les questions nouvelles liées aux nouvelles technologies militaires..
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