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jeudi 6 novembre 2014

Quel bilan d'étape du désarmement mondial ? La démilitarisation de l'espace, les missiles, les zones dénucléarisées..

Dans les deux précédents articles, nous avons traité de l'élimination et du contrôle des armes de destruction massive : chimique, biologique, nucléaire. À ces trois catégories d'armements, sont rattachées communément des problématiques voisines concernant soit leur transport ou installation (la course aux armements dans l'espace, la prolifération des missiles balistiques), soit le contrôle de leur prolifération géographique avec la création de zones dénucléarisées ou exemptes d'armes de destruction massive.

La militarisation de l'espace : c'est un vieux sujet de fantasmes et de science-fiction et, en même temps, une préoccupation réelle. Un traité international datant de 1967 a interdit déjà le stationnement d'armes nucléaires dans l’espace mais, il s'avère limité et surtout sans dispositif de vérification. Depuis, les progrès technologiques, la multiplication des satellites pourraient ouvrir la porte à de nouveaux dispositifs militaires, nucléaires, mais aussi magnétiques, lasers, etc..
Un débat pour mettre sur pied un traité sur la "prévention d'une course aux armements dans l'espace" (dit traité "Paros") existe sans aucun progrès depuis plus de dix ans à la Conférence du désarmement à Genève.
En février 2008, la Russie et la Chine y ont soumis un projet de traité ayant non seulement pour objectif d’interdire le déploiement de tout type d’arme dans l’espace, mais aussi le recours à la force, et la menace de recourir à la force, contre des objets spatiaux. La diplomatie US a rejeté ces propositions estimant qu’il serait "impossible" de s’assurer de son respect. Par contre,  en réponse officiellement à des menaces potentielles de militarisation de l'espace, ainsi qu'à des menaces de missiles balistiques, les États-Unis ont relancé depuis 2004, un programme de bouclier de défense antimissile balistique, autrefois appelé sous l'ère Reagan, projet de "guerre des étoiles".
Moscou et Pékin sont très préoccupés par la formidable avance prise par les États-Unis en matière de défense antimissile, laquelle fait notamment appel à des missiles qui frappent leur cible dans l'espace. La Russie est foncièrement opposée au projet américain d'installer un troisième site antimissile en Pologne et en République tchèque. Les craintes suscitées par ce programme, même s'il est présenté sous une forme apparemment plus "light" sous couvert de l'OTAN, expliquent en partie la nervosité russe à propos de l'Ukraine. La Russie a un sentiment de "forteresse assiégée" comme pendant la guerre froide, sentiment que les gouvernements européens devraient bien analyser. Les programmes de défense anti-missile provoquent une relance de la course technologique en matière d'armement. De plus, il ne faut pas oublier que la notion de "défense" ou de "bouclier" peut avoir un effet pervers de relance de la course aux armements du côté de "l'épée", c'est-à-dire des missiles pour pouvoir "submerger" ou "saturer" le bouclier...
Un traité sur la démilitarisation de l'espace semble un objectif encore lointain. La France a adopté un "profil bas" : elle estime selon son Représentant à Genève que la recherche d’un traité risque "d’être un processus de longue haleine, qui s’inscrit nécessairement dans le long terme". Selon ce diplomate, "la dégradation rapide de l’environnement spatial appelle des réponses urgentes et pragmatiques, reposant sur des mesures immédiatement applicables".
La France soutient "la promotion de pratiques responsables et l’élaboration de mesures volontaires de confiance et de transparence". Elle apporte ainsi son "plein soutien au projet de Code de Conduite International sur les Activités Extra-Atmosphériques".
La méthode des "petits pas" donnera-t-elle des résultats concrets ? Il est clair que compteront les signes donnés à la Russie par les États-Unis et les membres de l'OTAN sur la question du bouclier antimissile.
Missiles : La prolifération des missiles balistiques, vecteurs potentiels d’armes de destruction massive, a toujours représenté une menace déstabilisante pour la paix et la sécurité, tant à l’échelle régionale qu’internationale. Or, depuis le début des années 90, la portée et la modernisation des missiles balistiques de certains États (en plus des États dotés d’armes nucléaires) a connu une croissance rapide et préoccupante. En outre, de nouveaux vecteurs se développent, notamment les drones et les missiles de croisière, qui peuvent être employés comme vecteurs d’armes de destruction massive. Pour ces raisons, la lutte contre la prolifération des missiles balistiques occupe une place importante de l'actualité du désarmement.
Des accords de limitation et de destruction des missiles nucléaires furent déjà signés du temps de la guerre froide (plafond du nombre de missiles russes et américains avec les accords SALT I et II dans les années 70, Traité de destruction des missiles balistiques à portée intermédiaire et à plus courte portée, "Euromissiles", en 1987, Traités de réductions des missiles stratégiques dits START I et II, en 1991 et 1993). En 2002, a été adopté le "Code de conduite de La Haye" de lutte contre la prolifération des missiles balistiques (HCOC) et qui comprend aujourd’hui plus de 130 États signataires.
Reste que la technologie de fabrication de missiles capables de franchir plus de 1 000 kms s'est beaucoup répandue, avec des possibilités de charges diverses ("bombes sales"). Les mesures de limitation prises jusqu'à présent ont été parfois perçues par des pays émergents comme la décision des grandes puissances de garder pour elles seules la maîtrise d'armes puissantes. L'enjeu est donc de créer les conditions de confiance et de transparence pour que les décisions adoptées comme le code de conduite de la Haye prennent une portée universelle. Sinon, la menace balistique restera un problème non encore complètement résolu dans plusieurs parties du monde.

Zones dénucléarisées. Une des moyens développés pour freiner l'expansion et la menace des armes nucléaires, voire des autres armes de destruction massive, a été de créer des zones à l'échelle d'une grande région voire d'un continent entier où chaque État s'engage à renoncer à posséder, à fabriquer, à acquérir et utiliser des armes nucléaires.
Une "Zone exempte d'armes nucléaires" (ZEAN), créée pour une durée illimitée, doit être reconnue par l’ONU. Elle doit également recevoir l’appui des puissances nucléaires officielles qui s’engagent à ne pas employer, ni menacer d’employer des armes nucléaires contre cette zone. Cet engagement est effectif après la ratification de différents protocoles annexés au traité de la ZEAN. On parle alors d’une « assurance de sécurité négative » entre les pays de la zone dénucléarisée et les cinq puissances nucléaires officielles.
À ce jour, il existe 5 zones exemptes d’armes nucléaires : la zone d’Amérique Latine et des Caraïbes créée par le Traité de Tlatelolco en 1967, entré en vigueur en 1968. ; la zone du Pacifique sud, créée par le Traité de Rarotonga en 1985, entré en vigueur en 1986 ; la zone de l’Asie du Sud-Est, créée par le Traité de Bangkok en 1995, entré en vigueur en 1997 ; la zone de l’Afrique, créée par le Traité de Pelindaba en 1996, entré en vigueur en 2009 et, enfin, la zone de l’Asie centrale, créée par le Traité de Semipalatinsk en 2006, entré en vigueur en 2009.
À ces zones "officielles", on peut ajouter l’Antarctique dont le traité du même nom interdit la militarisation et qui est considéré de fait comme une ZEAN.
Un débat politique d'importance existe depuis 1995 autour de la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et de toutes autres armes de destruction massive. En 1995, lorsqu’il a fallu décider de proroger de manière indéfinie et inconditionnelle le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), le soutien des pays arabes à ce projet était conditionné par la mise en place d’un processus de discussion pour créer cette zone. Lors de la conférence d'examen du TNP en 2010, le Document final indique qu’un ambassadeur est chargé de lancer officiellement au plus tard en 2012 « une conférence en vue de la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et de toutes autres armes de destruction massive ». Cette conférence, originellement programmée en décembre 2012, a été annulée par les États-Unis (avec le soutien d’Israël) invoquant des motifs de tensions trop grands au Moyen-Orient, le processus reste en cours. Aujourd'hui, la destruction des armes chimiques de la Syrie lève normalement les obstacles de sécurité avancés par Israël pour ne pas accepter cette zone.
Les zones dénucléarisées ont contribué indéniablement à créer des espaces de coopération entre d'une part, les pays qui les composent, et d'autre part, envers les pays possesseurs de ces armes, sur un enjeu de paix et de désarmement par les rencontres diplomatiques et les accords de vérification. La création de nouvelles zones constituerait immanquablement une baisse de la tension entre pays voisins et un renforcement de la paix et de la sécurité internationale dans plusieurs régions du monde.
Au travers de ces trois questions, démilitarisation de l'espace, lutte contre la prolifération des missiles, zones dénucléarisées, on voit que la construction d'un monde plus sûr et plus paisible est complexe. Elle passe par le renforcement d'un tissu d'accords de désarmement et de traités, de dispositifs de vérification, qui est un élément essentiel du multilatéralisme international et suppose une forte volonté politique des États et une pression soutenue des opinions publiques.
La semaine prochaine, nous traiterons des armes conventionnelles, au travers du contrôle des armes dites "légères", du contrôle des ventes d'armes, des armes nouvelles (robots, drones).

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