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mardi 4 janvier 2011

Côte d'Ivoire : ne pas plaquer les vieux schémas...

Le risque de redémarrage d'une guerre civile en Côte d'ivoire inquiète beaucoup en ce début d'année 2011. Comment éviter une nouvelle guerre sanglante, trouver une solution politique tout en respectant la volonté du peuple ivoirien, semble être une gageure.
À lire beaucoup de commentaires dans la presse, les réactions d'associations ou de personnalités, on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a, peut-être, un risque de vouloir à tout prix réutiliser toujours les mêmes grilles de lecture pour analyser la situation ivoirienne. Oui, la présence militaire et politique française est toujours une réalité ; oui, la diplomatie étatsunienne s'active beaucoup ; oui, les arrières-pensées de contrôle ou appropriation des richesses naturelles, notamment pétrolières des côtes ivoiriennes, sont bien présentes... Mais, ne faut-il pas voir aussi d'autres éléments plus nouveaux, en développement depuis 2004, qui doivent faire réfléchir : notamment, le rôle considérable joué par les africains eux-mêmes, au niveau de leaders comme Thabo Mbeki d'Afrique du Sud, Blaise Compaoré du Burkina Faso, d'institutions africaines comme l'Union Africaine ou la CEDEAO, ou internationales comme l'ONU ? Ces évolutions ne doivent-elles pas être mises en rapport avec les avancées, timides parfois mais réelles, du multilatéralisme dans le monde ?
Plusieurs facteurs expliquent ou illustrent cela. La politique post-coloniale classique de la France a été mise en échec : les accords de Linas-Marcoussis de 2003, le cessez-le-feu et le processus de réconciliation nationale autour de L. Gbagbo n'ont pas tenu plus d'un an et demi avant les affrontements de novembre 2004 entre la force française Licorne et les forces gouvernementales ivoiriennes. Bon gré mal gré, la diplomatie française a dû se résoudre à une internationalisation complète de la situation. Thabo Mbeki a aidé à la relance du processus de paix avec les accords de Pretoria en avril 2005. Le Conseil de Sécurité de l'ONU a créé en avril 2004 une force de maintien de la paix : l'ONUCI qui, aujourdhui, compte 9 000 hommes. La pression de la CEDEAO et de l’UA ont permis une série d'accords, en juillet 2006 à Yamoussoukro, présidé par le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan,avec les cinq principaux acteurs de la crise ivoirienne : Gbagbo, Banny, Ouattara, Bédié et le Secrétaire Général des Forces nouvelles, Guillaume Soro. Un nouvel accord a été signé, le 4 mars 2007, entre le Président Gbagbo et le Secrétaire général des FN, Guillaume Soro,l’Accord politique de Ouagadougou. Un des principaux points est une procédure de révision des listes électorales qui ont permis l’inscription de trois millions de nouveaux électeurs.
C'est donc en toute logique de cette internationalisation progressive que l'ensemble des parties ont accepté de confier à la Commission électorale indépendante, créée par les accords de Pretoria d'organiser le scrution des présidentielles d'octobre et décembre 2010 et à la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire de procéder à la certification de ces résultats. Pour comprendre l'implication très forte des Nations unies dans la dernière période, il faut remarquer que le Représentant spécial de l'ONU est le coréen Choi Young-Jin, proche du Secrétaire général Ban Ki moon. De fait, l'ONU a mené une action considérable pour régler les questions matérielles, pour faire des initiatives d'information et d'éducation au civisme, à la tolérance, y compris des sessions de formation des journalistes. Devant le Conseil de Sécurité, le Représentant de l'ONU en Côte d'Ivoire, Young-Jin Choi, a déclaré : « Les résultats obtenus via ma méthode de certification sont clairs : il y a un seul vainqueur, avec une marge irréfutable. Même si toutes les plaintes du camp présidentiel étaient prises en compte, les résultats ne changeraient pas et le candidat Ouattara resterait le vainqueur de l'élection ». Cet engagement très fort des Nations unies explique la fermeté du ton employé par Ban Ki moon dans ses dernières déclarations. Il faut noter que ces résultats des présidentielles ont été reconnus non seulement par les États membres du conseil de Sécurité, y compris par des États qui ont une politique africaine active comme la Chine, mais aussi par l'ensemble des pays africains. Remettre en cause la validité de ces résultats, donc leur certification par l'ONU, leur approbation par l'U.A et la CEDEAO, ne serait-ce pas se "tirer une balle dans le pied" pour tous les partisans du multilatéralisme ? pour tous ceux qui veulent diminuer, voir éliminer les influences post-coloniales de certaines puissances ? Que la France, les États-Unis soutiennent également ces résultats, le processus multilatéral international (qui est, "in fine", une négation de leur influence), est une contradiction éventuelle de leur côté, non du côté des altermondialistes... Ne pas respecter une volonté issue d'un scrutin ne serait-il pas en contradiction avec les déclaration sur la souveraineté africaine ? Cela signifie à mon sens que, s'il faut agir vite contre toute aventure ou intervention militaire, ouvrant la voie à une nouvelle guerre civile, l'action pour une solution politique à la crise ivoirienne, assortie éventuellement de pressions, voire de sanctions multiples, les compromis inévitables à trouver, doivent s'inscrire dans cette marge étroite entre le respect de la volonté des électeurs et le refus des solutions de force militaire. Deuxièmement, cette action pour une solution pacifique doit intégrer bien sûr, le départ rapide des forces militaires françaises de l'aéroport d'Abidjan et la fin de l'opération Licorne, mais, en contrepartie, permettre un renforcement du soutien au rôle et aux moyens donnés à la présence onusienne et aux organisations du continent africain : Union Africaine et CEDEAO.
Je tiens à préciser que je formule ces idées pour participer au débat et à la réflexion sur la situation ivoirienne mais que je le fais avec beaucoup d'humilité et de modestie, car ce n'est pas un de mes sujets d'étude habituels. Je suis preneur, bien sûr, de toutes les remarques et suggestions sur ce texte.
NB : L’Union africaine (UA) est une organisation d'États africains créée en 2002, à Durban en Afrique du Sud, Elle a remplacé l'Organisation de l'unité africaine[3] (OUA).
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est une organisation intergouvernementale ouest-africaine créée le 28 mai 1975. C'est la principale structure destinée à coordonner les actions des quinze pays de l’Afrique de l'Ouest.
4 janvier 2011



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