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mardi 18 novembre 2014

Quel bilan d'étape du désarmement mondial ? Mines, sous-munitions...

La question du contrôle, de la limitation ou de l'interdiction des armes classiques concerne bien sûr les mines antipersonnel, et toutes les armes explosives pouvant être meurtrières non seulement contre des soldats en temps de guerre mais aussi contre des populations, soit pendant un conflit, soit après un conflit.
La première mesure de contrôle de ce type d'armes est intervenue en 1980 par la signature d'une Convention, appelée communément "Convention sur les armes inhumaines", mais de son nom complet, « Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination » (CCAC).
Cette convention se présente comme une "boîte à outils » avec des  protocoles pouvant être ajoutés et une adhésion des pays à la carte (il suffit d'approuver seulement deux protocoles au minimum). Elle comporte cinq protocoles : I : éclats non-localisables ; II : mines : c'est celui qui a été contesté et a débouché sur le traité d'Ottawa ; III : armes incendiaires, « phosphore blanc » (les USA l'ont ratifié seulement en mars 2009 avec Obama) ; IV : armes à laser aveuglantes ; V : restes explosifs de guerre.
Cet accord a trouvé rapidement ses limites car il accepte une adhésion "à la carte", protocole par protocole, et surtout ne comporte  pas d'instrument de vérification globale. En 1995, la conférence d'examen de cette convention a débouché sur un renforcement des restrictions concernant certains usages, certains types de mines (autodestructeurs et détectables) et certains transferts de mines antipersonnel mais est restée très loin des attentes de plusieurs États, des ONGs humanitaires, d'institutions comme la Croix-Rouge internationale ou Handicap International qui s'inquiétaient alors de la prolifération démesurée des mines antipersonnel.
Une coalition tri-partite - États (Canada, Suède), institutions (Croix-Rouge internationale), ONG (Handicap-International, Coalition pour l'interdiction des mines antipersonnel - ICBL) -  se forme à cette époque et décide de faire démarrer et aboutir des négociations hors des circuits habituels des négociations de désarmement.
À force de mobilisation de la société civile – plus de deux millions de signatures récoltées depuis 1992 – et de lobbying auprès des États, le Traité d’interdiction des mines est signé à Ottawa en décembre 1997. Il entre en vigueur le 1er mars 1999. Pour les États qui le ratifient, il est désormais interdit d’utiliser, de stocker, de produire et de transférer des mines antipersonnel. Ils doivent également détruire leurs stocks. Pour ce combat acharné contre les mines qui a abouti au Traité d’Ottawa, Handicap International et les autres membres d’ICBL reçoivent conjointement le prix Nobel de la paix en 1997. Le travail incessant de plaidoyer international se poursuit pour que tous les pays de la planète rejoignent enfin le Traité d’Ottawa, y compris les plus gros producteurs que sont les États-Unis, la Russie et la Chine, qui ne l'ont pas encore fait. 161 pays l'ont ratifié à ce jour.
La diplomatie française a longtemps préféré les négociations au sein de la CCAC (Convention sur "les armes inhumaines"), mais le succès politique dans l'opinion publique du processus amène la diplomatie française alors à se "raccrocher aux branches" et se proclamer fervent défenseur du Traité d'Ottawa. N'oublions pas que la France est concernée par le désarmement « humanitaire » pour protéger ses Casques bleus en opération dans des zones infestées de mines antipersonnel.
Les sous-munitions : si les mines antipersonnel furent interdites sur le plan international en 1997, les bombes à sous-munitions, les "BASM", restèrent autorisées bien qu'elles soient encore plus meurtrières.
Utilisées pour la première fois au cours de la Seconde guerre mondiale, les armes à sous-munitions ont été utilisées dans au moins 32 pays et territoires. Une fois lancées, ces armes dispersent un grand nombre de sous-munitions sur une surface de la taille de plusieurs terrains de football. Destinées à exploser au moment de l'impact, ces sous-munitions ne le font souvent pas, transformant de facto les terrains contaminés en véritables champs de mines. Il faut constater que 98% des victimes des bombes à sous-munitions sont des civils; les bombes à sous-munitions ont coûté la vie à 10.000 civils - dont 40% d'enfants, proportion proprement stupéfiante. Outre les blessures qu'elles causent, les armes à sous-munitions contaminent les terres arables, tuent le bétail et détruisent les abris, entravant en permanence le relèvement économique et le développement.
Dès 2003, des associations comme Handicap International se mobilisèrent pour que ces armes, qui violent par nature le droit international humanitaire, soient définitivement bannies. Les efforts de la Coalition contre les sous-munitions qui regroupait en 2008 près de 300 ONG, aboutirent à la signature les 3 et 4 décembre 2008, à Oslo, de la Convention sur les armes à sous-munitions. Celle-ci est un traité international humanitaire et de désarmement qui interdit totalement l'emploi, la production, le stockage et le transfert de cette catégorie d'armes et prévoit leur enlèvement et leur destruction. À la date du 11 novembre 2014, elle compte 88 États parties et 108 États signataires. Elle est entrée en vigueur depuis la ratification du Danemark, le 1er août 2010.
L'attitude de la France sur cette question fut similaire à celle adoptée lors du processus d'Ottawa : la diplomatie essaya d'abord de pousser à un accord au sein de la CAC (Convention sur "les armes inhumaines") en proposant de créer un Protocole VI supplémentaire dédié aux sous-munitions,  puis se rallia au "processus d'Oslo" et soutint officiellement la convention d'Oslo. "la Convention d’Oslo marque un nouveau progrès incontestable du désarmement humanitaire et mon pays a tenu à être parmi les premiers à la ratifier", a ainsi affirmé en septembre dernier, un diplomate français à la Conférence de Lima sur les sous-munitions.
Les deux conventions d'Ottawa et d'Oslo permettent de "couvrir" la plus grande partie du champ des munitions explosifs hors une catégorie appelée "Mines autres que les mines antipersonnel" (MAMAP). Ce type de mine, n’a pas encore à ce jour fait l’objet d’une définition détaillée et précise de son contenu. On peut néanmoins dire qu’il s’agit essentiellement des mines antichar ou encore mines anti-véhicule équipées de systèmes antimanipulation. Elles sont, d’après la plupart des États, du ressort exclusif de la Convention sur Certaines Armes Classiques (CCAC) et les dispositions de la Convention d’ Ottawa ne leur sont pas applicables. il ne faut pas oublier pourtant que les mines antichar peuvent avoir des effets antipersonnel puisque de nombreuses mines antichar peuvent faire exploser des véhicules civils (dans des zones post-conflits) car elles sont incapables de discriminer leur cible. De nombreuses discussions ont lieu actuellement au sein de la CCAC concernant la définition mais également l’éventualité de restreindre leur utilisation et d’étendre les règles qui leur sont applicables au niveau du Droit international humanitaire. La France s'est engagée à "ne pas utiliser, en dehors de zones dont le périmètre est marqué, de MAMAP qui ne soient pas détectables et qui ne contiennent pas de dispositifs d’auto-neutralisation ou d’autodestruction, et à ne pas transférer des MAMAP non conformes à des États qui ne respecteraient pas ces mêmes principes".
Le bilan actuel des deux conventions d'Ottawa et d'Oslo est parfois présenté en demi-teinte car des pays importants comme la Chine, les États-Unis, la Russie ne les ont pas ratifiés et parce que tous les stocks n'ont pas été encore complètement détruits. En septembre dernier, dans l'hebdomadaire La Vie, le co-fondateur de Handicap International, Jean-Baptiste Richardier, rappelait que "Dans les années 1990, il y avait 25.000 nouvelles victimes chaque année ; en 2000, on en comptait 8.000 et en 2012-2013 les chiffres ont chuté à 3.000 victimes. Cette amélioration de la situation est le résultat de l’impact des traités". Il rappelle que "Aujourd’hui plus de 70 pays sont infestés par des mines et les victimes sont des civils et des enfants. Il reste encore beaucoup à faire. On ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Certains États non-signataires semblent être en train de changer d’avis. C’est le cas des États-Unis, depuis le dernier sommet tenu au Mozambique en juin 2014".
Une autre dimension des processus d'Ottawa et d'Oslo est à considérer. Ceux-ci ont été permis par l'action d'une coalition, rassemblant un réseau international d'ONG très actif, des puissances moyennes comme le Canada et la Suède, des institutions humanitaires comme la Croix-Rouge internationale, Handicap international de faire démarrer et aboutir des négociations hors des circuits habituels des négociations de désarmement. Ce fut la première fois qu'un traité de désarmement aboutit en dehors des enceintes de négociation inter-étatiques....
Ainsi est né un nouveau type de désarmement : le désarmement humanitaire (donc lié aux personnes, aux populations, aux civils) qui s'appuie et contribue à renforcer le droit humanitaire (Conventions de Genève de l'après-guerre 1914-1918).
Aujourd'hui, un réseau international d'ONG anti-nucléaires (ICAN : Campagne internationale pour l'interdiction des armes nucléaires), des pays moyens comme la Norvège, le Mexique, la Suisse, l'Autriche, ont lancé une Campagne d'opinion pour l'interdiction des armes nucléaires, en venant sur le terrain humanitaire, et en soulignant le caractère inacceptable de l'impact humanitaire des armes nucléaires. Ils estiment qu'il n'y pas de capacité de réponse adéquate au niveau national ou international pour faire face aux conséquences de ces armes, et donc que ces armes nucléaires ne doivent jamais être utilisées.
Une troisième réunion internationale des pays partisans du "désarmement nucléaire humanitaire" est prévue en décembre à Vienne, après celles tenues à Oslo en 2013 et Mexico début 2014. La France a été absente de ce processus jusqu'à présent. Les États-Unis viennent d’annoncer le 7 novembre qu’ils seraient présents à Vienne. Il est donc quasiment certain que les Britanniques vont suivre cette posture américaine. Paul Quilès, Bernard Norlain et Jean-Marie Collin ont déclaré récemment (http://paul.quiles.over-blog.com/tag/desarmement%20nucleaire/) "L’objectif de la conférence de Vienne est « de renforcer le régime mondial du désarmement et de non-prolifération nucléaires ». Si la France ne se rend pas à Vienne dans un esprit de travail constructif, alors, elle devra en supporter toutes les conséquences sur la scène internationale du désarmement". ..
Dans un prochain et dernier article sur le bilan du désarmement, nous aborderons les questions nouvelles liées aux nouvelles technologies militaires (robots, drones)..

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