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mardi 30 septembre 2014

Enjeux et alternatives pour la paix d'aujourd'hui et demain

Dans un précédent article (http://culturedepaix.blogspot.fr/2014/09/limpuissance-de-la-puissance.html), je m'interrogeais sur la contradiction qui s'accentue entre l'ancien ordre inter-étatique du monde et un nouvel ordre ou aménagement du monde en devenir,qui se traduit par des "impasses militaires" à répétition dans les conflits en cours. 
Comment agir pour construire une paix durable dans un monde qui change, qui devient de plus en plus complexe et diversifié ? Toute nostalgie du passé, toute espérance d'un possible retour en arrière serait illusoire et dangereuse : les systèmes de contrainte à  la Kadhafi ou Assad ont montré leurs limites et leurs échecs, les tentatives de "gendarmes du monde" dans un "pré carré" (USA en Amérique latine ou du sud, France en Afrique, Russie dans le Caucase) n'ont fait que retarder des évolutions sans les empêcher.
A/ Dans la construction d'un monde de paix durable, la communauté internationale est face à trois séries d'enjeux. Le premier est celui du renforcement du multilatéralisme dans un monde devenu interdépendant.
Il implique de travailler à inverser la prédominance de la puissance étatique au profit du renforcement des institutions multilatérales, du droit international et de la démocratie. Cela signifie placer encore plus les Nations unies au centre des relations mondiales en réformant le Conseil de sécurité, en renforçant le rôle de l'Assemblée générale, la consultation des ONG, les moyens donnés aux interventions onusiennes sous tous leurs aspects. Cela nécessite aussi, selon moi, de favoriser les échelons régionaux en lien avec l'action onusienne :  travailler à réorienter l'action de l'Union européenne pour soutenir en priorité l'ONU dans le rétablissement et la consolidation de la paix, renforcer l'Union africaine, faire émerger l'expression politique de l'Amérique du sud.  C'est une condition et un moyen de dépasser l'expansion inefficace et inquiétante de l'OTAN et de la rendre caduque.
La deuxième série d'enjeux sont ceux de la démilitarisation des relations internationales dont les progrès sont inséparables des progrès des programmes économiques pour le développement et la réduction des inégalités comme les Objectifs du millénaire pour le développement, des réformes institutionnelles pour intégrer le Fonds monétaire international et la Banque mondiale dans les règles et la transparence du système onusien, des réformes pour la transparence des règles commerciales édictées par l'OMC (Organisation mondiale du commerce). Dans le cadre de cet article, nous nous concentrons sur la question de la démilitarisation.
La troisième série d'enjeux pour les décennies à venir est celle du "rééquilibrage du monde", celle du renforcement du poids de l'opinion et de ses représentants (élus, ONGs) dans les institutions internationales pour mieux équilibrer celui des États, tout en menant un profond travail de formation et d'éducation à la paix dans les opinions des divers continents. Parallèlement est posé un autre rééquilibrage dans la sphère inter-étatique pour mieux respecter l'opinion et la place des puissances émergentes (Brésil, Inde, Afrique du sud, etc..).
B/ Ces enjeux de moyen et long termes posent des questions d'objectifs et d'action immédiate pour ouvrir des alternatives.
Aujourd'hui, face aux tentations de certains dirigeants de décréter ce qui est bon ou non pour des peuples, face également à des forces obscures entendant proclamer leur vérité propre comme universelle, ne faut-il pas être beaucoup plus intransigeant sur le respect du droit international et, par exemple, sur le passage systématique par une résolution du Conseil de sécurité pour toute action dans une crise internationale, a fortiori si une intervention militaire est en jeu en donnant systématiquement la priorité à une solution politique ? "Rien sans l'ONU" n'est-il pas un slogan qui devrait reprendre une force nouvelle ?
On a vu en 2013 que, lorsque les dirigeants mondiaux ont été obligés de négocier une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Syrie, cela a obligé à trouver un compromis politique et aboutit à la résolution sur la destruction des armes chimiques syriennes ce qui était un élément de blocage international depuis vingt ans !
Aujourd'hui, il faut déboucher sur des solutions politiques en Syrie et Ukraine sous l'égide des Nations unies, notamment par le biais de conférences internationales : elles impliqueraient des schémas globaux : mesures de démilitarisation, de protection des populations, d'implication de tous les acteurs locaux (en Syrie avec tous les acteurs, y compris gouvernementaux mais hors Daesh : en Ukraine avec les représentants du gouvernement et des "séparatistes") mais aussi avec tous les acteurs régionaux donc Iran et Russie en Syrie, Russie et UE en Ukraine. Le passage obligatoire par l'ONU empêcherait les déclarations péremptoires et à la limite de l'arrogance de chefs d'État, décidant qui est légitime ou non comme représentants d'un peuple, comme cela a été malheureusement fait pour la Libye et la Syrie, par les deux Présidents français.
La ré-augmentation des dépenses militaires depuis dix ans qui, aujourd'hui, s'élèvent à 1 750 milliards de dollars pour l'année 2013 (chiffres SIPRI) choque un grand nombre de personnes. L'appel du dernier sommet de l'OTAN aux pays européens pour qu'ils ré-haussent encore leur budget de défense évoque le tonneau des Danaïdes : plus d'interventions armées, plus de dépenses militaires et des conflits locaux qui s'enlisent, des extrémismes qui prospèrent.
Si la sécurité n'est pas/plus du côté de la puissance militaire et de la force, le renforcement des traités de désarmement existants, la signature et la ratification de nouveaux accords deviennent un impératif : "moins d'armes, plus de développement !" est un slogan simpliste au premier abord mais qui prend une force nouvelle.
Nous pouvons prendre rapidement quelques exemples : la destruction en cours des armes chimiques syriennes supprime un obstacle sécuritaire importante au Moyen-Orient. Cela devrait renforcer l'exigence d'obtenir le contrôle par l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) des installations nucléaires d'israël, exigence aussi importante que celle du renforcement des inspections sur les sites iraniens, ces démarches étant des étapes pour la réussite de la création d'une zone sans armes de destruction massive au Moyen-Orient. L'Union européenne, la France, ont une responsabilité pour élever une voix forte sur ce sujet.
Le Traité sur le commerce des armes (TCA) a été adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 2 avril 2013. C'est un traité sur le commerce international des armements conventionnels. Trente-et-un pays (dont la France) l'ont ratifié. L'objectif du TCA est de contribuer à réguler le commerce licite voire de lutter contre le commerce illicite des armes classiques (avions, véhicules blindés, sous-marins, missiles... c'est-à-dire tout ce qui n'est pas armement nucléaire, chimique ou biologique. L'inclusion des munitions et des armes légères et de petit calibre fait encore débat). C'est un progrès.
Pourquoi ne pas envisager un jour un observatoire mondial de la démilitarisation et de la baisse des dépenses d'armement publiant un indice mondial de la démilitarisation, contribuant à l'indice existant du développement humain ?

Il faut tenir compte des changements sur notre planète en procédant à un "rééquilibrage du monde". Le premier d'entre eux consiste à donner un poids plus grands aux pays émergents au Conseil de sécurité en élargissant le nombre de membres permanents et en limitant drastiquement le droit de veto des membres permanents aux seules  questions existentielles de la planète.
Le second rééquilibrage est un droit de consultation systématique de l'opinion publique par le biais des ONGs lors des grandes décisions internationales. L'exigence de la participation plus grande des acteurs non-gouvernement et d'abord des représentants des citoyens et des opinions est une question en débat, notamment depuis l'Assemblée générale du Millénaire des Nations unies en 2000. Le troisième volet pour réussir un "rééquilibrage du monde consiste dans le décloisonnement de la promotion de l'éducation à la paix et à la culture de la paix et de la non-violence pour que celle-ci soit incluse explicitement dans toutes les campagnes d'objectifs généraux de l'ONU et dans tous les programmes de consolidation de la paix.
Cette action résolue à mener pour faire évoluer le vieux monde des confrontations inter-étatiques vers un monde de coopérations maîtrisées, s'inscrit dans l'évolution mondiale pour une place plus centrale de l'humain dans le monde. Cela débouche sur une perspective beaucoup moins utopique qu'elle le paraissait sans doute, il y a trente ans, en novembre 1984, lorsque l'Assemblée générale adoptait une "Déclaration sur les droits des peuples à la paix", celle d'un "Droit humain à la paix" pour lequel commencent à se mobiliser de nombreux juristes et associations..
L'humanité a été régulièrement traversée par des périodes de poussée pour des progrès vers la paix sur notre planète : de l'an mille aux années 1900-1910. Toutes n'ont pas forcément été suivies d'effets immédiats mais toutes ont contribué à des progrès à moyen terme pour l'humanité.
Nous sommes entrés dans une phase de reconstruction de l'ordre et de la stabilité du monde : n'est-il pas essentiel que cela s'accompagne d'un nouvel essor de la réflexion et de l'action pour la paix ?

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