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dimanche 2 juin 2013

Livre Blanc : Pensée unique ? (4)

Dans l'article précédent consacré au Livre Blanc, je me demandais si la "pensée unique" en terme de défense, de sécurité et de paix était vraiment inévitable. La lecture de l'intervention de François Hollande sur la politique de Défense à l'Institut des Hautes Études de Défense Nationale le 23 mai dernier semble l'affirmer.
Celui-ci s'est livré pour l'essentiel à une simple "défense et illustration" du Livre blanc sur la Défense et la sécurité, encore plus schématique d'ailleurs du fait de la brièveté du propos.
Finies les nuances, l'accent est mis uniquement sur les menaces pour justifier les équipements devant l'opinion : "La France a besoin d’une défense forte parce que le monde n’est pas plus sûr qu’hier". Oubliée, cette réflexion profondément juste du même François Hollande, 27 août 2012, à la XXe Conférence des ambassadeurs de France : "le monde est aussi porteur d’espoir, il y a la vitalité des peuples, leur aspiration démocratique, les exigences d’une bonne gouvernance et la capacité d’innovation que trouvent toujours les êtres humains. Il y a des lignes qui bougent et des dictateurs qui tombent. En cela, le monde évolue dans un sens qui est celui du progrès".
De la même façon, les priorités deviennent moins claires qu'en 2012 quand le Président affirmait : "Nous fondons notre démarche sur le droit, en s’inscrivant dans le long mouvement de l’organisation de la société internationale. Je veux continuer, au nom de la France, à faire de l’organisation des Nations unies l’instance centrale de la gouvernance mondiale pour préserver la paix, mais aussi pour protéger les populations". Cela devient aujourd'hui : "Face à ces menaces, la France doit se donner un objectif, un seul : à tout moment assurer sa sécurité, répondre aux attentes de ses partenaires comme de ses alliés, et préserver la paix dans le monde".
On observe la même modification des priorités dans cette remarque : "La France y a vocation parce qu’elle est dépositaire par son histoire, d’une capacité militaire et diplomatique, qu’elle met au service de ses propres intérêts – et nous devons les revendiquer – et du droit international."
L'ordre des objectifs n'est pas anodin : "paix" et "droit international" ne sont plus là qu'en dernière position de la liste, presqu'à titre symbolique.
Il faut cesser les porte-à-faux conceptuels : pourquoi l'affirmation qui semblait claire de François Hollande en août 2012 dans le même discours aux ambassadeurs "Nous nous inscrivons dans la légalité internationale et je confirme ici que notre pays ne participe à des opérations de maintien de la paix ou de protection des populations qu’en vertu d’un mandat et donc d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies" n'est-elle pas reprise en préalable de toutes les dispositions organisant les forces militaires prévues au titre des interventions extérieures ?
En se contentant d'illustrer les conclusions du Livre Blanc sans les recadrer dans un projet politique clair, le Chef de l'État confirme ainsi indirectement qu'un Livre Blanc est un compromis fait sous influence et qu'il y a nécessité que soit restauré un vrai primat de la politique sur le lobby politico-militaire.
Comment se satisfaire de cette proclamation : "Notre doctrine est fondée sur le principe de stricte suffisance. Cela permet à la France de montrer l’exemple en matière de désarmement nucléaire" alors que la France renouvelle à marche forcée ses missiles et sous-marins nucléaires, développe des recherches en laboratoire, met en route des collaborations nucléaires avec la Grande-Bretagne (traité Teutatès) pour au moins cinquante ans ?
Comment se contenter de cette affirmation lapidaire : "Il faut « dépenser juste »", alors que les dépenses prévues, les fameux 365 Mds€ 2013 pour dix ans, continuent de faire des dépenses d'armement le second budget de l'État pour des objectifs politiques qui sont discutables ? "Dépenser juste" n'est-ce pas éviter les renouvellements trop rapides de gammes d'armements ou la facilité des "achats sur étagères" (ex du remplacement des missiles Milan)  au détriment de l'amélioration de l'entretien et de l'évolution technique dans les établissements de la défense français (même si ceux doivent être préparés clairement aux réductions de charges et aux conversions qui seront nécessaires) ?
Peut-on en rester au voeu pieux que "la France veut ouvrir une nouvelle étape de l'Europe de la défense" si des initiatives plus fortes de coopération sur les points faibles de nos forces militaires au service du maintien de la paix sous égide onusien (transports de troupes, surveillance satellitaire, vigilance informatique) ne sont pas lancées ?
Le Président de la République a reconnu aussi, peut-être sans mesurer les conséquences du propos, qu'avec 250 000 personnels de la défense, la France possédait "l’effectif le plus important d’Europe". Celui-ci est-il justifié par les réalités des menaces sur le territoire national, par exemple ? Peut-on se satisfaire de la "bouillie" idéologique faite dans le Livre blanc où l'armée, les forces d'actives et les réserves se retrouvent pêle-mêle dans les réflexions sur le plan Vigie-Pirate, les cyber-menaces, la présence de réservistes dans les quartiers sensibles, la prévention des risques naturels, etc...
Il y a vraiment besoin d'un vrai débat public sur la vision du monde et la politique qui doit être celle de la France, même après la publication de ce Livre Blanc, puisque ce débat n'a pas eu lieu. Que pourrait-on verser dans ce débat ? (à suivre...)

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