La première semaine de débats de la commission préparatoire à la Conférence du TNP de 2015 s'est terminée vendredi dernier par la discussion des thématiques de non-prolifération et des normes de vérification, après la discussion sur la thématique du désarmement mercredi et jeudi.
La semaine a été marquée par l'événement qu'a constitué le mercredi la déclaration adoptée par 77 États annonçant leur soutien à l'approche humanitaire concernant le désarmement nucléaire et souhaitant aller vers l'interdiction des armes nucléaires. Cette vision, différente bien que complémentaire aux yeux de ses promoteurs, de la démarche de négociations "graduelles" de réductions d'armement, avait été initiée en mars à Oslo et devrait se poursuivre jusqu'à la conférence de Mexico qui aura lieu début 2014.
La Déclaration de ces 77 pays (en fait, ils sont déjà 78 aujourd'hui et d'autres hésitent encore avant de les rejoindre) est certes ambivalente : elle marque à la fois une forte volonté d'un nombre croissant de pays non-nucléaires de sortir du marasme des négociations de désarmement nucléaire tant dans le cadre du TNP que celui de la Conférence du Désarmement et, en même temps, elle peut conduire à un affrontement de pays blocs contre blocs (pays non-nucléaires contre P5) qui pourrait être un obstacle aux avancées vers le désarmement. De manière claire, elle traduit le sentiment majoritaire chez les états non-nucléaires que la responsabilité du manque de progrès sur le plan du désarmement nucléaire est d'abord de la responsabilité des états dotés : plusieurs études montrent que des progrès ont été réalisés en matière de contrôle de la non-prolifération, malgré les crises actuelles de Corée du Nord et d'Iran, mais que les progrès en matière de désarmement ont été très faibles. C'est cette exaspération qui se traduit dans l'intérêt pour des processus alternatifs comme celui de l'interdiction au nom du droit humanitaire. Les pays du P5, responsables en partie de cette crispation par leur boycott de la Conférence d'Oslo, doivent sentir ce mécontentement. Certains pays comme la Grande-Bretagne, la Chine, même la Russie ou les États-Unis ont été très prudents dans leur réaction à la déclaration faite par l'Afrique du Sud, au nom des "77". La France qui a été la première à intervenir et à critiquer les pays qui "créent des enceintes parallèles. elles ne font que fragiliser le plan d'action et le processus d'examen du TNP qui nous réunit ici", a sans doute sous-estimé le mouvement en train de se construire.
Un autre exemple, cette semaine, de la profondeur des critiques faites aux états nucléaires est le fait que cette critique s'est élargie très souvent à la critique de la place persistante tenue par les armes nucléaires dans les doctrines militaires. Les P5 ont été obligés d'essayer de se justifier en affirmant qu'ils avaient réduit au plus bas cette place dans les doctrines. Pour le Royaume-Uni, elles "jouent un rôle très discret et limité" ; les USA ont déclaré que depuis la Revue de politique nucléaire de 2010, ils considéraient "l'utilisation des armes nucléaires seulement dans des circonstances extrêmes pour défendre leurs intérêts vitaux". la France a, elle aussi, affirmé que la dissuasion française avait "pour seul but la sauvegarde de nos intérêts vitaux dans des circonstances extrêmes de légitime défense". Cette notion de circonstances extrêmes peut sembler positive mais elle s'accompagne de la défense des "intérêts vitaux" dont la définition pose de plus en plus problème : jusqu'aux voies de communication ou d'approvisionnement comme l'avait imprudemment affirmé le président Chirac ? Jusqu'à la défense de nos alliés de l'OTAN comme l'ont réaffirmé Royaume-Uni et USA ? Pour "tenir notre rang dans le monde" comme l'a affirmé récemment le Ministre de la Défense Le Drian ? On voit que les marges d'appréciation des fameuses "circonstances extrêmes" peuvent se révéler bien floues...
C'est un petit pays, la Suisse, mais qui connaît bien les vicissitudes des guerres sur le continent européen pour avoir été le refuge de beaucoup de personnes, qui a eu la sagesse de rappeler que les armes nucléaires "ne sont pas une source de sécurité, mais constituent une menace à la fois pour la sécurité internationale et pour la sécurité humaine" et que, "près d'un quart de siècle après la fin de la guerre froide (...), il est nécessaire (...) de les éliminer comme toutes les autres armes de destruction massive"... La seconde semaine qui s'ouvre ce lundi à Genève verra-t-elle le climat s'améliorer et des nouvelles plus positives être annoncées, notamment pour la tenue enfin d'une Conférence pour la création d'une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient ? Le bon sens le voudrait, mais...
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