Prolifération et désarmement nucléaires seront, comme chaque année, à l'ordre du jour des discussions, qui s'ouvriront, ce lundi 22 avril à Genève, dans la préparation de la Conférence d'examen du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) en 2015. Cette réunion devait initialement être un simple point d'étape dans le suivi du plan d'action, modeste mais réel, décidé en 2010 par la Conférence de New-York. Ce bilan aurait été considéré comme décevant par la majorité des pays non-nucléaires et par les ONG : aucun progrès significatif dans la réduction du nombre de têtes nucléaires dans le monde, poursuite de la modernisation des armes et aucune évolution dans la prééminence des doctrines militaires basées sur la fameuse et contestée notion de "dissuasion" nucléaire. Mais cette réunion qui s'annonçait tristement routinière, risque d'être bouleversée par trois événements majeurs, un positif et deux négatifs selon moi, qui se sont produits dans ces six derniers mois.
Commençons par la Conférence qui s'est tenue à Oslo, le 6 mars 2013, sur les "conséquences humanitaires de l'emploi des armes nucléaires". Pour la première fois depuis 1945, une Conférence internationale au plus haut niveau a réuni 127 représentants de gouvernements, d'institutions internationales dont la Croix Rouge Internationale qui ont décidé de donner un nouvel élan pour écarter la menace nucléaire de l'humanité. Ils ont suivi en cela l'opinion de la Croix-Rouge qui a rappelé que tant au niveau international que national, aucun moyen n'existe pour répondre effectivement aux conséquences d'une explosion nucléaire, même limitée.
La Déclaration finale de la Conférence, prise à l'initiative de ICAN (Campagne internationale pour le désarmement nucléaire) note qu'en cas d'explosion nucléaire, "Les conséquences seraient mondiales, de long terme et complètement catastrophiques pour le santé humaine, notre environnement, notre développement, la sécurité, les droits humains et les ressources alimentaires (...)". Les Cinq puissances nucléaires ont finalement décidé de boycotter cette Conférence en estimant qu'elle risquait de créer une "diversion" du processus "pas-à-pas" existant avec le TNP et la Conférence du désarmement. Cette position n'a pas été suivie par plusieurs pays de l'OTAN, et d'autres grands pays comme le Japon, la Corée du Sud ou l'Australie, tous pays "bénéficiant" pourtant du parapluie nucléaire étatsunien. Le surplace marqué par le processus des Conférences d'examen du TNP, et l'absence de travail depuis 16 ans à la Conférence du désarmement, laisse sceptique sur ce "risque de diversion" !
On peut espérer que, lors de la réunion de Genève sur le TNP, les représentants des puissances nucléaires seront sévèrement questionnés sur leur absence à Oslo...
Deux événements risquent de peser négativement sur le déroulement de la réunion genevoise : le premier est le report annoncé le 23 novembre 2012, par les USA de la Conférence sur la création au Moyen-Orient d'une Zone libre d'armes de destruction massive qui devait se tenir le 18 décembre à Helsinki.
Cette Conférence, initialement décidée en 1995 lors de la réunion qui décida de proroger indéfiniment le TNP, avait permis d'obtenir le soutien à la prorogation de nombreuses délégations arabes. En 2010, après de multiples discussions, la décision avait été prise d'aboutir enfin concrètement à une telle Conférence : la perspective d'un Moyen-Orient sans armes de destruction massive semble pour beaucoup d'observateurs la seule manière de supprimer la menace représentée par le stocks d'armes nucléaires illégales détenues par Israël, de lever tout ambiguïté sur un éventuel programme de construction d'armes nucléaires par l'Iran, sans compter que cela permettrait sans doute d'obtenir la ratification de la Convention d'interdiction des armes chimiques par la Syrie et l'Égypte. Les prétextes avancés par les États-Unis, sous la pression du gouvernement israélien, estimant que les "conditions de sécurité" n'étaient pas réunies, ne sont pas convaincants. De ce fait, les pays arabes risquent de montrer fortement leur mécontentement lors des discussions de Genève : de nouveaux risques de blocage sont ainsi créés.
Le deuxième événement survenu est bien sûr la suite des provocations et des gesticulations militaires nucléaires de la Corée du Nord : la situation est évidemment préoccupantes, des initiatives politiques doivent être prises notamment avec l'aide des puissances régionales comme la Chine. Il serait malgré tout contre-productif que ces événements servent de prétexte aux puissances nucléaires pour faire porter l'essentiel des débats de Genève sur les menaces sur la prolifération dues à la situation coréenne, voire en y ajoutant les interrogations sur l'Iran, et ainsi, d'éviter d'avoir à répondre sur leur inactivité, voire leur obstruction sur les questions de désarmement nucléaire complet, abordées notamment à Oslo. À suivre...
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