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lundi 14 mars 2011

Europe politique : les errements de M. Sarkozy (1)

Notre précédent article s'intitulait : "Alain Juppé ou la nécessité de mettre en concordance les paroles et l'action politique". À peine, était-il écrit qu'il prenait toute son actualité. Dès le 1er mars, M. Juppé déclarait lors des questions d'actualité sur la Libyie, à l'Assemblée nationale :" "Différentes options peuvent être étudiées, notamment celle d'une zone d'exclusion aérienne, mais je le dis ici très clairement : aucune intervention ne se fera sans un mandat clair du Conseil de sécurité des Nations unies".
Las, dix jours plus tard, à Bruxelles, M. Sarkozy jetait le trouble en envisageant une intervention militaire française sans forcément un mandat du Conseil de sécurité : "Un mandat des Nations unies est nécessaire, c'est préférable. Nous le souhaitons", a-t-il dit. "S'il n'y a pas de mandat et qu'il y a une demande régionale et libyenne, nous verrons à ce moment-là", a-t-il, dans le même temps, ajouté.
Les téléspectateurs français avaient pu voir sur leur écran, la surprise et le malaise du Ministre des Affaires étrangères qui avait appris, apparemment en même temps que les auditeurs, la nouvelle position française. M. Juppé avalera-t-il cette nouvelle couleuvre ? Probablement, mais nous y verrons plus clair dans les semaines à venir.
La position de N. Sarkozy a de quoi surprendre : tous les gens un peu instruits savent qu'aujourd'hui, un pays ne peut utiliser la force contre un autre pays (en dehors du cas express et temporaire de la légitime défense) que dans le cadre d'un mandat clair du Conseil de sécurité de l'ONU, délivré en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies, si un conflit menace la paix mondiale et la sécurité internationale, sauf à faire comme M. Bush en Irak, en 2003, avec les conséquences désastreuses que l'on connaît. Que cherche le Président de la République française en prenant le risque de jouer "Bush, le retour" ?
Cette diplomatie de communication tapageuse a-t-elle pour but de faire oublier le resserrement des liens avec le régime Khadafi depuis 2007 ? Le journal Le Point rappelle que "Paris a profité de la libération des infirmières bulgares en 2007 pour vendre à la Libye des missiles antichars Milan (168 millions d'euros) et un réseau de communication sécurisé Tetra pour sa police (128 millions d'euros). Pour le reste, plus de deux milliards d'euros de contrats étaient en discussion ces derniers mois entre la France et la Libye". L'homme-pivot de la relation avec Khadafi est, selon l'ex-juge Eva Joly, le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Ollier (le compagnon de Michèle Alliot-Marie), qu'elle dénonce avec vigueur : "Il préside l'amitié franco-libyenne au parlement en France" et "a effectué une vingtaine de voyages d'amitié avec le président Kadhafi et ces voyages ont été suivis de ventes d'armes".
L'institut suédois, le SIPRI, rappelle, par ailleurs, qu'en 2007, la Libye avait signé un contrat de 100 millions de dollars pour la modernisation de 12 de ses Mirages F-1. Cette mise à niveau aurait été réalisée en 2009.
Ont-ils été utilisés dans les dernières opérations aériennes de l'armée libyenne ?
Diplomatie en forme de rideau de fumée ? En tout cas, une diplomatie élyséenne inefficace : si l'on voulait réellement aider les démocrates libyens, la priorité n'était pas aux déclarations fracassantes, mais choquantes pour nombre de pays attachés au droit international, mais au resserrement des contacts avec la Ligue arabe, l'Union africaine et le conseil de transition libyen pour coordonner les efforts afin d'accélérer le vote d'une résolution au Conseil de sécurité. Seule cette démarche multilatérale, sans effets de manche, était capable de lever les réticences de la Chine et de la Russie, sourcilleuses sur les points de souveraineté nationale.
Au lieu de cela, l'initiative de N. Sarkozy a renforcé les suspicions, y compris en Europe, de la part de nombreux partenaires, dont l'Allemagne. Un mauvais signal a été donné : cela confirme que, seule la mise en avant du droit international, le renforcement des structures multilatérales (ONU au premier plan, diplomatie européenne dans la foulée) sont susceptibles de rassembler et d'unir l'ensemble des États européens et de faire jouer un rôle positif et efficace à l'Union européenne.
Comment faire de l'Europe une "puissance positive" ? Lors de ces derniers mois, le débat sur l'Europe de la défense, la diplomatie européenne, l'action politique de l'Union, semble rebondir après le sommet de Lisbonne de l'OTAN et la mise en oeuvre du Traité européen aussi de Lisbonne. Subordination, autonomie européennes ? Pourquoi faire ?  Cela demande de pousser ce débat le plus loin possible. Nous y reviendrons dans nos prochains articles.
14 mars 2011


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