jeudi 10 novembre 2011

Armes nucléaires : garder la tête froide.

Le dernier rapport de l'A.I.E.A sur les activité nucléaires de l'Iran donne lieu à des lectures et des déclarations toutes plus alarmistes les unes que les autres : Alain Juppé fait le matamore : «la France est prête avec ceux qui le voudront à aller beaucoup plus loin dans des sanctions qui doivent être renforcées pour faire plier l'Iran». Les États-Unis, plus prudents, envisagent d' «examiner les moyens d'imposer une pression supplémentaire à l'Iran» en promettant «toute une gamme de possibilités». Israël fait monter la pression en évoquant, notamment par la voix de Shimon Peres, une possible frappe préventive des installations nucléaires d'Iran. Russie et Chine sont, elles, très réticences, voire opposées, à une aggravation des sanctions contre l'Iran.
Que dit exactement ce rapport ? Celui-ci déclare que l'Iran a mené jusqu'en 2003 des travaux orientés sur la mise au point d'une arme nucléaire, et l'AIEA, sur la base de documents fournis par les services de renseignements occidentaux,  redoute que l'activité liée au développement d'une arme nucléaire ne se poursuive actuellement. Il y a donc deux questions : la reconnaissance d'activités illégales de l'Iran jusqu'en 2003 qui semble assez sûre et la poursuite ou non d'activités similaires ensuite, sur laquelle les preuves semblent manquer (voir les informations supplémentaires et l'excellente analyse faite par J-Marie Collin sur son blog http://alternatives-economiques.fr/blogs/collin/).
La situation iranienne inspire deux réflexions : venant après le battage médiatique sur la crise financière mondiale, les menaces sur l'éclatement de l'Europe, on assiste à une nouvelle présentation par les "leaders du monde", reprise par les grands médias, très noire et "catastrophiste" de la situation du monde. Elle aboutit à justifier les mesures de rigueur sociale extrêmes dans le premier cas, une intervention militaire aventuriste contre l'Iran dans le deuxième cas. Or, dans les deux cas, des alternatives politiques crédibles existent : aux militants d'un "autre monde" de ne pas tomber dans le piège de cette vision alarmiste de l'évolution du monde, s'ils veulent pouvoir faire progresser des idées transformatrices nouvelles !
La deuxième réflexion concernant l'Iran est qu'une solution politique est la seule possible : elle passe par deux éléments. Il faut renforcer la crédibilité des Traités existants pour exiger qu'ils soient respectés par tous : c'est le cas du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) et donc, les puissances nucléaires "dotées" doivent donner des preuves elles-aussi de leur respect de leurs obligations vis a vis de l'article VI, concernant le désarmement nucléaire. Elles ne le font pas suffisamment : cela conforte les pays "tricheurs" ou tout simplement, inquiets pour leur puissance régionale comme l'Iran, et qui sont tentés par le fameux "pouvoir égalisateur de l'atome".
C'est cet enjeu qu'a souligné le général Norlain, dans une tribune libre dans le journal Le Monde du 29 octobre : " dans un monde ouvert où l'apparition de nouveaux acteurs stratégiques rend les règles du jeu plus complexes et fugaces, l'arme nucléaire, après avoir joué un rôle de stabilité, devient une source d'instabilité destructrice pour la planète". C'est ce constat qui l'amène à dire "qu'il n'y a pas d'autre solution que d'éliminer ces armes. Toutes les négociations sur la diminution, sur le déploiement et la mise en alerte de ces armes sont nécessaires, mais elles ne seront effectives que dans la perspective d'un objectif d'élimination complète".
Faire respecter un traité existant comme le TNP (et discuter sérieusement avec l'Iran) sur ce sujet doit donc s'accompagner d'initiatives politiques fortes pour faire démarrer et aboutir des négociations sur un nouveau traité : une Convention d'abolition des armes nucléaires, dont un projet existe déjà et est soutenu par plus de 110 pays à l'Assemblée générale de l'ONU.
Il faut opérer une véritable révolution copernicienne, montrer que "Aujourd’hui, l’existence même des armes nucléaires, couplée au risque de prolifération et de terrorisme nucléaire, constitue paradoxalement la plus grande menace à notre sécurité". Ce constat n'est pas fait par des pacifistes invétérés mais par des personnalités franco-britanniques (Hugh Beach,   général , ancien commandant en chef des forces terrestres, Royaume-Uni ; Margaret Beckett, ancienne secrétaire aux Affaires étrangères,  Royaume-Uni ; Bernard Norlain, général,  ancien commandant de la force aérienne de combat,  France ; Paul Quilès, ancien ministre de la Défense, France ; Michel Rocard,  ancien Premier Ministre, France ; David Ramsbotham,   général , Royaume-Uni) dans le journal La Croix de ce 9 novembre en s'adressant aux jeunes anti-nucléaires du forum Global Zero.
Ils pointent deux grands défis : "Faire évoluer les mentalités est un devoir stratégique et moral commun(...)" et construire "un monde dans lequel la promotion du désarmement nucléaire confère plus de pouvoir politique et de prestige que la possession d’arsenaux surdimensionnés, dangereux et coûteux".
Ces informations dans leur diversité et leurs contradictions ne montrent-elles pas que, si nous vivons dans un monde dangereux, nous vivons aussi dans un monde de possibles enthousiasmants ?

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